BEAUTE VISCERALE HISTOIRES INEDITES + ARTBOOK DE NOROI MICHIRU

La petite collection Hurlements des éditions Black Box s'agrandit avec un ouvrage un peu singulier, Beauté Viscérale, sorte d'hybride entre l'artbook et le recueil d'histoires courtes. Consacré à l'œuvre de Noroi Michiru, qui a inauguré ce sympathique label horrifique en 2022, l'ouvrage se découpe en plusieurs actes allant de la galerie d'illustrations à l'entretien, en passant par quelques analyses des motifs récurrents du mangaka ou encore la publication de trois histoires inédites.

Beauté Viscérale s'ouvre sur un chapitre intitulé Les Couleurs de l'enfer, dans lequel le lecteur pourra retrouver une trentaine d'illustrations couleur dessinées par l'auteur. On y retrouve notamment les jolies compositions survoltées qui ont servi à l'élaboration de la maquette des contes noirs, mais également des dessins inédits, d'une belle qualité, qui à eux seuls racontent une histoire complète. Utilisant des encres colorées, un encrage fin et multipliant les détails dans ses visions hallucinées, « Michiru le maudit » nous propose un voyage express dans son imaginaire torturé, peuplé de poupées, des femmes avides de vengeance et de monstres visqueux.

Une belle entrée en matière, qui précède une entrevue précieuse entre l'éditeur et le mangaka, dans laquelle ce dernier revient sur son œuvre au sens global et sur ses méthodes de travail. Recueillis en septembre 2023 par le biais d'échanges d'e-mails, les propos de Noroi Michiru reviennent en outre sur l'environnement qui a vu naître sa carrière : dans les années 90, le manga d'horreur, surtout à destination d'un public féminin, trouvait une seconde jeunesse, alors même qu'il avait été décrié jusqu'ici, et que les magazines pour filles se contentaient d'histoires à l'eau de rose bien ciblées.

Passé un petit diaporama dans lequel l'auteur expose son atelier, espace de travail dépouillé où il se coupe littéralement du monde pour entrer en transe, Beauté Viscérale nous révèle sa première histoire courte : La Fille en nougat. Issue d'une trilogie, celle-ci met en scène un personnage que l'on retrouvera à deux autres reprises dans l'anthologie : Joe Kazama, petit bonhomme aux lobes d'oreille particulièrement charnus et aux intentions malfaisantes. Dans cette première nouvelle, on découvre l'histoire d'une lycéenne éperdue d'amour pour un mystérieux garçon, qui, au fur et à mesure que leur relation évolue, voit son énergie vitale littéralement absorbée.

L'acte suivant se destine surtout aux lecteurs qui ont fait l'acquisition des Contes noirs de Noroi Michiru, et plus particulièrement du premier volume de cette quadrilogie, paru chez Black Box en septembre 2022. Le mangaka revient en effet sur une nouvelle parue dans ce recueil ; La Fille du manoir aux horloges. Présentant encore une fois son processus créatif, l'artiste nous dévoile son analyse de l'histoire et ses planches préparatoires, très éloignées du rendu final. Il y explique notamment comment lui viennent ses idées, et par quels moyens il arrive au résultat que l'on connaît. La suite se compose d'une vingtaine de pages d'illustrations, cette fois-ci en noir et blanc.

Autre récit contenu dans le recueil, Le Visage de la vengeance réserve au lecteur une histoire fantastique dans laquelle une collégienne, rejetée par ses camarades de classe, se lie d'amitié avec une petite fée du nom de Kei. Second chapitre de la trilogie « Kazama », qui se lit indépendamment du précédent, celui-ci est suivi de quelques pages dans lesquelles Noroi Michiru expose ses thèmes favoris et les inspirations qui le nourrissent au quotidien : les insectes, les automates et les poupées, le body horror, le Moyen-Âge... Après une dernière galerie d'illustrations sanglantes, Beauté Viscérale se clôture enfin sur une troisième nouvelle, Machine à rêves, où le lecteur aura tout le loisir de découvrir une histoire d'amour et d'horreur dans laquelle l'onirisme se mêle à la réalité. Enfin, l'éditeur a fait un joli travail pour recenser l'intégralité des histoires courtes publiées par Noroi Michiru depuis ses débuts.

Décidément auteur fétiche des éditions Black Box, Noroi Michiru peut s'estimer heureux d'avoir le privilège qu'un tel ouvrage commémoratif soit édité en son honneur. Bien conscient de la chance qu'il a et surtout de l'attention que le lectorat lui a réservé, il remercie d'ailleurs ses fans francophones à la toute fin du recueil, ne manquant pas par la même occasion d'honorer toutes les personnes qui se sont réunies pour permettre la création du projet.

Côté édition, Black Box a fait du très bon travail et cet ouvrage hybride qu'est Beauté Viscérale se trouve être un précieux document pour tous les aficionados de l'horreur. En plus de proposer trois histoires inédites du mangaka, il recèle d'une myriade d'informations et d'illustrations inédites, et tout ça dans un écrin de bonne facture. Les lecteurs apprécieront tout particulièrement les pages couleurs disséminées çà et là, les photos exclusives de l'intimité de l'auteur, ou encore la chouette couverture de l'ouvrage, autoportrait ultra-référencé présenté sur papier cartonné au toucher mat, très agréable à manipuler. C'est qu'on aurait presque voulu en avoir davantage... Quoiqu'il en soit, Noroi Michiru nous avait déjà fait une belle impression avec ses contes noirs, et ce livre vient encore renforcer notre admiration pour son travail. On accueillera ses prochaines œuvres avec le plus grand des honneurs. Critique de NAUTILJON

 

**********                 **************                     *****************